Aller au contenu

Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais ne m’avez-vous pas dit que vous aviez aimé ? Aimer, c’est vivre à deux.

» — Oh ! pour vous, sans doute ! pour vous qui cherchiez dans l’amour une fin bien connue et qui pouviez la réaliser. Mais moi, je n’étais, je ne pouvais être en amour l’égale de personne. La froideur de mes sens me plaçait au-dessous des plus abjectes femmes, l’exaltation de mes pensées m’élevait au-dessus des hommes les plus passionnés. J’aimais par besoin, par nécessité ; mais, ne goûtant point les joies que je donnais, je ne pouvais m’attacher par aucun sentiment réel, par aucune reconnaissance fondée, à l’objet de mes sacrifices. Ce désir effréné de bonheur que je poursuivais en lui, et qu’aucune jouissance humaine ne pouvait assouvir, était une torture éternelle et profonde. Si l’enthousiasme de l’esprit n’eût détruit en moi les salutaires calculs de l’égoïsme, je n’aurais jamais pu aimer. Mais ne sachant où dépenser ma vigueur intellectuelle, je la jetais rampante et tenace