Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/26

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au pied d’une idole créée par mon culte ; car c’était un homme semblable aux autres, et, quand je fus lasse de me prosterner, je brisai le piédestal et je le vis réduit à sa véritable taille. Mais je l’avais placé si haut, dans mes pompeuses adorations, qu’il m’avait paru grand comme Dieu.

» Ce fut là ma plus déplorable erreur, et voyez quelle destinée misérable est la mienne ! Je fus réduite à la regretter, dès que je l’eus perdue. C’est qu’hélas ! je n’eus plus rien à mettre à la place. Tout me parut petit près de ce colosse imaginaire. L’amitié me sembla froide, la religion menteuse, et la poésie était morte avec l’amour.

» Avec ma chimère j’avais été aussi heureuse qu’il est permis de l’être aux caractères de ma trempe. Je jouissais du robuste essor de mes facultés, l’enivrement de l’erreur me jetait dans des extases vraiment divines ; je me plongeais à outrance dans cette destinée cuisante et terrible qui devait m’en-