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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/41

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plus rude épreuve physique. Je m’étais habituée dans la société au mouvement, à l’activité facile et incessante que procure la richesse. J’aimais les exercices rapides, la course fougueuse des chevaux, les voyages, le grand air, la chasse bruyante. J’inventai de mortifier ma chair, et d’éteindre la chaleur de mon cerveau en me soumettant à une claustration volontaire. Je relevai en imagination les enceintes écroulées de l’abbaye. J’entourai le préau ouvert à tous les vents d’une barrière invisible et sacrée. Je posai des limites à mes pas, et je mesurai l’espace où je voulais m’enfermer pour une année entière. Les jours où je me sentais agitée au point de ne pouvoir plus reconnaître la ligne de démarcation imaginaire tracée autour de ma prison, je l’établissais par des signes visibles. J’arrachais aux murailles décrépites les longs rameaux de lierre et de clématite dont elles étaient rongées, et je les couchais sur le sol aux endroits que je m’étais