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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/55

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de vivre devenait trop intense, je le laissais me dévorer jusqu’à ce qu’il s’épuisât de lui-même. Des nuits entières s’écoulaient dans le travail de la résignation. Couchée sur la pierre des tombeaux, je m’abandonnais aux fureurs de mon imagination. Je rêvais les étreintes d’un démon inconnu ; je sentais sa chaude haleine brûler ma poitrine, et j’enfonçais mes ongles dans mes épaules, croyant y sentir l’empreinte de ses dents. J’appelais le plaisir au prix de l’éternelle damnation, comme faisaient les hommes en ces jours de naïve poésie, où le démon, plus puissant et plus généreux aux vivans que Dieu même, s’offrait à eux comme un dernier espoir, comme un usurier qui retarde et consomme la ruine.

» Souvent une pluie d’orage venait me surprendre dans l’enceinte découverte de la chapelle. Je me faisais un devoir de la supporter, et j’espérais en retirer du soulagement. Parfois, quand le jour paraissait, il