Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/112

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barrasse surtout des folles notions de droit et de liberté des paysans, qui sont notre fléau ! Qu’elle donne un peu de knout à la bourgeoisie et pas mal de Sibérie à bon nombre de nobles qui veulent faire à leur tête ! Quant à notre bonhomme de roi, qu’on lui rende son évêché, et surtout qu’on lui ôte sa femme, et il n’aura pas à se plaindre.

— Parlez moins haut, reprit le Russe : peut-être nous écoute-t-on sans en avoir l’air.

— Ne craignez donc rien ! Tout le monde fait semblant de savoir le français ; mais il n’y a pas ici dix personnes sur cent qui l’entendent. D’ailleurs, ce que je vous dis là, j’ai coutume de le dire sans me gêner. Il y a longtemps que j’ai découvert que la meilleure politique était de faire craindre son opinion. Quant à moi, je crie sur les toits que la Suède est finie. Que ceux qui le trouvent mauvais me prouvent le contraire !

Cristiano, bien qu’il n’appartînt à aucune nation, ne sachant rien de son pays et de sa famille, se sentit indigné d’entendre un Suédois vendre sa part de nationalité avec cette impudence, et il chercha à voir les traits de l’homme qui parlait de la sorte ; mais son attention fut détournée par le passage bruyant et incommode d’une figure hétéroclite qui allait de groupe en groupe avec l’activité d’un homme soi-