Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/217

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son thé brûlant et bien sucré un demi-flacon de rhum de première qualité. Cristiano savourait un moka exquis, et tous deux se mirent à rire de leur enthousiasme pour le froid de la montagne et le gruau des chaumières.

— Ah ! dit M. Goefle en reprenant son sérieux, c’est que nous sommes des hommes dégénérés ! Il nous faut des excitants, des toniques, à nous autres ! C’est ce qui prouve que le plus habile et le plus haut famé d’entre nous ne vaut pas le dernier paysan de ces montagnes sauvages !… Mais voyez si cet animal d’Ulphilas nous apportera du tabac ! Ce garçon-là est une véritable brute !

Cristiano se mit encore à rire, et M. Goefle, voyant qu’il ne pouvait sans inconséquence faire l’éloge de la sobriété et de l’égalité en ce moment-là, prit le parti de s’apaiser en voyant le pot à tabac à côté de lui. Ulf l’avait apporté en vertu de sa précision mécanique, et n’avait pas su le lui dire, en raison de son manque absolu de spontanéité.

— Eh bien, voyons, dit M. Goefle en se renversant dans le fauteuil pour digérer commodément, tout en fumant une magnifique pipe turque dont il appuya la capsule sur une des saillies du poêle, tandis que Cristiano, tantôt debout, tantôt assis, tantôt à cheval sur sa chaise, fumait sa petite pipe de voyage