Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/216

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monsieur Goefle ! Je dis seulement que de vastes espaces sont incultes et déserts, et que, la sobriété des rares habitants aidant, le voyageur ne trouve chez eux pour tout régal que du gruau et du lait, nourriture saine à coup sûr, mais peu propre à enflammer l’imagination et à retremper le caractère.

— Voilà encore où vous vous trompez complétement, mon cher ! Ce pays-ci est ce qu’on peut appeler la tête et le cœur de la Suède, une tête exaltée pleine de poésies étranges et de rêves sublimes ou gracieux, un cœur ardent, généreux, où bat la grosse artère du patriotisme. Vous savez bien l’histoire de ce pays ?

— Oui, oui ! Gustave Vasa, Gustave-Adolphe, Charles XII, tous les héros de la Suède, ont trouvé des hommes au fond de ces montagnes, alors que le reste de la nation était asservi ou corrompu. C’est de ce glorieux coin de terre, de cette Helvétie du Nord, que sont sortis, dans toutes les grandes crises, la foi, la volonté, le salut de la patrie.

— À la bonne heure ! Eh bien, convenez donc que la bouillie d’avoine et la roche aride et glacée peuvent engendrer et nourrir des poètes et des héros.

En parlant ainsi, le docteur en droit serra autour de lui sa moelleuse douillette ouatée, et versa dans