Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/261

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de profession. On m’invitait, on m’entraînait. J’étais de toutes les parties de plaisir de la plus brillante jeunesse.

» Le cardinal me félicitait de savoir concilier les soupers, les bals et les veilles avec l’exactitude et la lucidité que j’apportais toujours à l’enseignement de son neveu ; mais, moi, je voyais bien et je sentais bien que je ne cultivais plus assez mon intelligence, que je m’arrêtais en route, que je m’habituais insensiblement à n’être qu’un beau parleur et un talent creux, que je tournais trop au comédien de société et au poëte de salon, que je ne faisais sur mon traitement aucune économie en vue de ma liberté et de ma dignité futures, que j’avais de trop beau linge sur le corps et pas assez de poids dans la cervelle, enfin que je m’étais laissé prendre entre deux lignes parallèles, le désordre et la nullité, et que je risquais fort de n’en jamais sortir.

» Ces réflexions, que je chassais le plus souvent, me rendaient cependant parfois très-soucieux. Au fond, ces plaisirs, qui m’enivraient, ne m’amusaient pas. J’avais connu chez mes parents et avec eux de plus nobles jouissances et des amusements plus réels. Je me retraçais tous les souvenirs de ces charmantes promenades que nous avions faites ensemble, avec un but sérieux qui trouvait toujours des satisfactions