Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/262

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pures, et, dans l’activité fiévreuse de ma nouvelle vie, je me sentais languir et retomber sur moi-même, comme au sein d’une accablante oisiveté. Je me mettais à rêver la grande existence des lointaines excursions, et je me demandais, en voyant ma bourse constamment à sec, si je n’eusse pas mieux fait de consacrer à la satisfaction de mes véritables goûts physiques et de mes véritables besoins intellectuels le fruit de mon travail, gaspillé en divertissements qui laissaient mon corps accablé et mon âme vide. Puis je me sentais tout à coup étranger à ce monde léger, à cette société asservie, à ce climat énervant, à cette population paresseuse, enfin à tout ce milieu où je ne tenais point par les racines vitales de la famille. Je me sentais à la fois plus actif et plus recueilli. Je pensais aussi, malgré mes vingt-trois ans et ma misère, à me marier pour avoir un chez moi, un but de réforme, un sujet de préoccupation ; mais le cardinal, à qui je confiais mes accès d’inquiétudes morales, me plaisantait et me traitait de fou.

— Tu as trop bu ou trop travaillé hier au soir, me disait-il ; ton cerveau se remplit de vapeurs. Dissipe-les en allant voir la Cintia ou la Fiammetta, et surtout ne te marie pas avec elles.

» J’aimais le cardinal : il était bon et enjoué ; mais, bien qu’il me traitât paternellement et sans morgue,