Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/263

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je voyais trop qu’il était plus aimable qu’aimant, qu’il savait rendre son entourage agréable, et que j’y étais pour quelque chose, mais qu’il n’était pas homme à me supporter longtemps près de lui, si je tombais dans la mélancolie et si je devenais ennuyeux.

» Je tâchai de m’étourdir et de m’oublier dans le bien-être présent, de vivre au jour le jour sans souci du lendemain comme tout ce qui m’entourait. Je ne pus y parvenir. L’ennui augmenta, le dégoût se prononça ouvertement. Je me sentais rassasié d’amours faciles, d’engouements sensuels partagés sans combat par des femmes de tous les rangs. Pour moi, pauvre roturier, ces plaisirs avaient eu d’abord l’attrait de bonnes fortunes. En voyant que mon perruquier, qui était un fort beau garçon, avait autant de succès que moi, je pris les marquises en horreur. Je voulus quitter Naples. Je demandai au cardinal de m’envoyer vivre dans une de ses villas, en Calabre ou en Sicile. Je me serais fait intendant ou bibliothécaire, n’importe où. J’avais soif de repos et de solitude. Il se moqua encore de mes projets de retraite. Il n’y croyait pas. Il ne me jugeait pas plus fait pour être intendant que pour être moine. Il avait sans doute raison, mais il eut bien tort, comme vous allez voir de me retenir.