Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/284

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persuader et attendrir par mon ancien camarade, par mon nouvel ami, et que nous voilà sur les terres papales, déjeunant frugalement ensemble, à l’ombre d’un bouquet de pins, et faisant un plan de conduite à nous deux.

» Nous étions aussi dénués l’un que l’autre ; mais ma situation, plus grave légalement que la sienne, n’avait rien de désespéré. Il n’avait tenu qu’à moi de fuir sans tant de risques, de fatigues et de misères. Je n’aurais eu qu’à me réfugier hors de Naples, chez la première venue des personnes honorables qui m’y avaient témoigné de l’amitié, et qui certes auraient cru à ma parole en apprenant de quelle manière j’avais été forcé, en quelque sorte, de tuer mon lâche ennemi. Il était haï, et moi, j’étais aimé. On m’eût accueilli, caché, soigné et mis en mesure de quitter le pays par protection. Devant de hautes influences, la police, l’inquisition même, eût peut-être fermé les yeux. Cependant je n’avais pu me résoudre à prendre ce parti ; la cause de mon insurmontable répugnance, c’était le manque d’argent et la nécessité d’accepter les premiers secours. J’avais joui chez le cardinal d’un assez beau traitement pour n’avoir pas le droit de partir les mains vides. Lui-même ne pouvait se douter de mon dénûment. J’aurais rougi d’avouer, non pas que j’étais sans argent, c’était le