Page:Sand - L Homme de neige vol 2.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même plus aucun sentiment de terreur. Je me disais avec sang-froid que je venais de dormir debout. J’achevai ma pipe en rêvant à mon aventure, et même en me laissant un peu aller à mon imagination et à un vague désir d’éprouver une hallucination pour tâcher de la surmonter ; mais le phénomène ne se reproduisit nullement, et j’allai me coucher fort tranquille. Je ne dormis pourtant que fort tard, mais sans être aucunement malade.

— Mais alors, dit Christian, d’où vient que tout à l’heure vous étiez mal à l’aise en y songeant ?

— Ah ! c’est que l’homme est ainsi fait ! Il a des émotions rétroactives ; à force d’entendre dire des folies, on devient un peu fou. Aujourd’hui, à deux reprises différentes, je me suis rappelé des histoires de ce genre qui sont des fables ou des rêves à coup sûr, mais qui renferment de hautes et mystérieuses moralités.

— Comment cela, monsieur Goefle ?

— Eh ! mon Dieu, il est arrivé à mon père, qui était, comme moi, avocat et professeur en droit, de voir le fantôme d’un homme injustement condamné à mort il y avait plus de dix ans, et qui lui demandait justice pour ses enfants dépouillés et réhabilitation pour sa mémoire. Il vit ce spectre au pied du gibet un jour qu’il passait par là. Il examina l’af-