depuis ce temps, ont fait de lui un des bonnets les plus tenaces et les plus dangereux de la diète. On prétend qu’il se forma singulièrement à cette cour, et qu’il en revint avec un caractère, un genre d’esprit, des manières et des principes qui le firent paraître dès lors un tout autre homme : toujours tranquille et souriant, mais d’un sourire sinistre et d’une tranquillité effrayante ; encore doux et caressant avec les inférieurs, mais d’une douceur pleine de mépris et caressant avec des griffes ; tel enfin que nous le voyons aujourd’hui, si ce n’est que l’âge et la maladie ont encore assombri les traits de cet être problématique, scélérat consommé, ou victime d’un étrange concours de funestes apparences. C’est à partir de ce cours d’athéisme et de crime, dont la czarine a si bien profité pour son compte, et dont il échappa bientôt au vertueux baron de parler avec une complaisance admirative, qu’on le surnomma l’homme de neige, pour exprimer qu’il avait été se geler le cœur en Russie, ou qu’il était venu fondre dans l’opinion publique au soleil plus clair et plus chaud de son pays. La pâleur livide qui bientôt se répandit sur son visage, ses cheveux qui blanchirent de bonne heure, son attitude roide et le froid constant de ses mains gonflées ajoutèrent par des caractères physiques à l’à-propos de ce surnom.
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