Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/156

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blé au misérable : à présent qu’il était vaincu et humilié, qu’allait-il faire ?

Tandis que Puffo se livrait à la somme très-minime de réflexion dont il était capable, Christian, ému et fatigué au moral plus qu’au physique, s’était assis sur son coffre, perdu dans une rêverie mélancolique.

— Triste vie ! se disait-il en contemplant machinalement la marionnette étendue par terre, qui avait été si près de lui entamer le crâne. Triste société que celle des hommes sans éducation ! Il faut pourtant, plus que jamais, que je m’y habitue : si je rentre dans les derniers rangs du peuple, d’où je suis probablement sorti, et dont j’ai vainement essayé de me séparer, il me faudra certainement plus d’une fois avoir raison, par la force du poignet, de certaines natures grossières que la douceur et le sentiment ne sauraient convaincre. Ô Jean-Jacques ! avais-tu prévu cela pour ton Émile ? Non, sans doute, et pourtant tu as été assailli à coups de pierre dans ton humble chalet, et forcé de fuir la vie champêtre pour n’avoir pas su te faire craindre de ceux dont tu ne pouvais te faire comprendre !

» Voyons, qui es-tu, toi qui as failli me tuer ? dit encore Christian en parlant tout haut cette fois, pour se mettre en verve, et en ramassant la ma-