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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/24

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— Eh ! pourquoi, je vous le demande, répondit-il au major, qui lui rappelait les fatigues et les ennuis du travail matériel, pourquoi faut-il que je m’amuse, que je me repose et que je préserve mon existence de tout accident ? Ma naissance ne m’ayant pas fait une place privilégiée, à qui m’en prendrai-je, si je n’ai pas le courage et le bon sens de m’en faire une honorable ? À ceux qui m’ont donné la vie ? S’ils étaient là, ils pourraient me répondre que, m’ayant fait robuste et sain, ce n’était pas à l’intention de me rendre douillet et paresseux, et que, si j’ai absolument besoin de marcher sur des tapis et de manger des friandises pour entretenir mes forces et ma belle humeur, il leur était complètement impossible de prévoir ce cas bizarre et ridicule.

— Vous riez, Christian, dit le major, et pourtant la vie sans superflu ne vaut pas la peine qu’on vive. Le but de l’homme n’est-il pas de se bâtir un nid avec tout le soin et la prévoyance dont l’oiseau lui donne l’exemple ?

— Oui, major, c’est là le but, pour vous dont l’avenir se rattache à un passé ; mais, moi dont le passé n’a rien édifié, quand je me suis fait fabulateur, comme dit M. Goefle, savez-vous ce qui m’a décidé ? C’est à mon insu, mais très-assurément, la crainte de ce que l’on appelle la misère. Or, cette crainte,