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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/290

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lui ai dit comment vous pensiez sur l’abus des priviléges nobiliaires, et combien vous pourriez être utile aux desseins d’un prince philosophe et courageux qui voudrait rétablir l’équilibre dans les droits de la nation. Après m’avoir écouté avec une attention et compris avec une lucidité que je n’ai jamais rencontrées chez aucun juge, il m’a répondu :

» — Hélas ! monsieur l’avocat, rendre justice aux opprimés est une grande tâche ; elle est au-dessus de mes forces. J’y serais brisé, comme mon pauvre père, qu’ils ont fait mourir de lassitude et de chagrin !

» Gustave est faible et bon ; il ne veut pas mourir ! Nous nous flattions en vain qu’il porterait de grands coups au sénat. La Suède est perdue, et notre procès aussi !

» Revenez près de moi, Christian. Je vous aime et vous estime. J’ai un peu de fortune et point du tout d’enfants. Dites un mot, et je partage avec vous ma clientèle. Vous parlez le suédois à ravir, vous avez de l’éloquence. Vous apprendrez notre code, et vous me succéderez. Je vous attends. »

— Non ! s’écria Christian en portant à ses lèvres l’écriture de son généreux ami : je connais mieux qu’il ne pense le peu de ressources de ce pays et les sacrifices auxquels une pareille association condam-