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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/294

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gnie de M. Stangstadius, l’homme du monde qui savait le mieux tomber pour son compte, mais non pas celui qui était le plus capable de protéger les autres.

Marguerite était là, en effet, hésitante et prise de vertige, avec mademoiselle Potin, qui traversait plus bravement sur les pas de M. Stangstadius, afin d’encourager sa jeune amie. Le lieutenant remontait pour l’aider et pour tranquilliser sa femme ; mais, avant qu’il fût arrivé, Christian s’élançait, prenait Marguerite dans ses bras, et traversait en silence le torrent souterrain.

Certes, Marguerite ne le vit pas, car elle ferma les yeux tant qu’elle put pour ne pas apercevoir l’abîme ; mais, au moment où il la déposait auprès de ses amis, avec l’intention de s’enfuir au plus vite, Marguerite, encore épouvantée, chancela, et il dut lui saisir la main pour l’éloigner du précipice. Ses doigts, noircis par le travail, laissèrent leur empreinte sur le gant vert tendre de la jeune fille, et il la vit l’essuyer avec soin, un instant après, avec son mouchoir, tout en disant à sa gouvernante :

— Donnez donc vite quelque argent à ce pauvre homme qui m’a portée !

Le pauvre homme s’était enfui le cœur un peu gros, n’en voulant point à la jeune comtesse d’avoir