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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/45

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drap, les cheveux coupés carrément sur le front, assis auprès de son poêle brûlant, et racontant à quelque rare visiteur ses expéditions sur les glaces flottantes, ou sur les courants du terrible gouffre Maelstrom et dans les sentiers perdus du Syltfield.

Dans ce milieu paisible et rude qu’il entrevoyait comme la récompense austère de ses voyages et de ses travaux, il essayait naturellement de se faire l’idée d’une compagne associée aux occupations rustiques de son âge mûr. Christian regardait attentivement les filles du danneman : elles n’étaient pas assez belles pour qu’il se délectât à l’idée d’être l’époux d’une de ces mâles et sévères créatures. Il eût mieux aimé rester garçon que de ne pouvoir vivre intellectuellement avec la compagne de sa vie. Malgré lui, le fantôme de Marguerite voltigeait dans son rêve sous la forme d’une blonde et mignonne fée déguisée en fille des montagnes, et plus jolie avec la chemisette blanche et le corsage vert que dans sa robe à paniers et ses mules de satin ; mais cette fantaisie de toilette n’était qu’un travestissement passager : Marguerite était une figure détachée d’un autre cadre ; elle ne pouvait que traverser le chalet en souriant, et disparaître dans le traîneau bleu et argent, doublé de cygne, où il était à jamais défendu à Christian de s’asseoir à ses côtés.