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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/51

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ses compagnons à lui rendre son tour de faveur. Seulement, il s’approcha du danneman et lui dit dans sa langue :

— Ami, puisque tu vas en avant avec notre cher Christian pour lui servir de guide, veille de près sur lui, je te prie. C’est son coup d’essai.

Le Dalécarlien, étonné, ne comprit pas tout de suite : il se fit répéter l’avertissement, puis il regarda Christian avec attention et secoua la tête.

— Un beau jeune homme, dit-il, et un bon cœur, j’en suis certain ! Il a mangé mon kakebroë comme s’il n’eût fait autre chose de sa vie ; il a des dents dalécarliennes, celui-là, et pourtant il est étranger ! C’est un homme qui me plaît. Je suis fâché qu’il ne sache point parler le dalécarlien avec moi, encore plus fâché qu’il aille où de plus fins que lui et moi sont restés.

Le kakebroë auquel le danneman faisait allusion, n’était autre chose que son pain mêlé de seigle, d’avoine et d’écorce pilée. Comme on ne cuit guère, en ce pays, que deux fois par an, tout au plus, ce pain, qui est déjà très-dur par lui-même grâce au mélange de la poudre de bouleau, devient, par son état de dessèchement, une sorte de pierre plate qu’entament difficilement les étrangers. On sait le mot historique d’un évêque danois marchant contre les Dalécarliens