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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/66

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— Vos filles n’étaient pas effrayées d’un pareil voisinage ? dit Christian en se rapprochant du danneman et en baissant la voix pour lui complaire, car ses appréhensions lui paraissaient exagérées.

À cette question, Joé Bœtsoï roidit sa grosse tête sur ses larges épaules et regarda Christian de travers.

— Herr Christian, mes filles sont d’honnêtes filles, dit-il d’un ton sec.

— Est-ce que j’ai eu l’air d’en douter, herr Bœtsoï ? dit Christian étonné.

— Ne sais-tu pas, reprit le danneman en faisant un effort pour prononcer un nom qui lui répugnait, ne sais-tu pas que l’ours ne peut rien contre une vierge, et que, par conséquent, une honnête fille peut aller lui arracher des griffes sa chèvre ou son mouton sans rien craindre ?

— Pardon, monsieur le danneman, je ne le savais pas ; je suis étranger, et je vois qu’on apprend du nouveau tous les jours. Mais êtes-vous bien sûr que l’ours soit si respectueux envers la chasteté ? Mèneriez-vous une de vos filles avec vous en ce moment ?

— Non ! les femmes ne peuvent pas laisser leur langue en repos ; elles avertissent le gibier par leur caquet. C’est pour cela qu’il ne faut point de filles ni de femmes à la chasse.