Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou, dans l’été, sur une plaine de cendres. Ce sont des tiges calcinées qui ne servent plus de retraite à aucun animal, et où règnent le silence et l’immobilité de la mort[1]. Ceux qui chassent en Russie s’affligent de trouver dans les splendides forêts du Nord la même incurie et les mêmes profanations.

Le lieu où Christian se trouvait n’avait été ni brûlé ni abattu ; il offrait une scène de bouleversement moins irritante, le spectacle d’un abandon imposant et d’une destruction grandiose, due aux seules causes naturelles : la vieillesse des arbres, les éboulements du sol, le passage des ouragans. C’était l’aspect d’une forêt vierge qui aurait été saisie dans les glaces voyageuses des mers polaires. Les grands pins fracassés s’appuyaient tout desséchés sur leurs voisins verts et debout, mais dont ils avaient brisé la tête ou les maîtresses branches par leur chute. D’énormes rochers avaient roulé sur les pentes, entraînant un monde de plantes qui s’étaient arrangées pour vivre encore, tordues et brisées, ou pour renaître sur ces débris communs. Ce cataclysme était déjà ancien de quelques années, car de jeunes bouleaux avaient poussé sur des éminences qui n’étaient

  1. Ce n’est que très-récemment que l’État s’est préoccupé, trop tard peut-être, d’arrêter ces dévastations en Suède.