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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/72

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aucun mal : ce n’est pas mentir que de mentir à une bête. Je te conseille donc de lui dire quelque parole caressante : il a assez d’esprit pour comprendre qu’on le flatte, il n’en a pas assez pour deviner qu’on le trompe. Et maintenant, attends que je voie si ces messieurs prennent bien la direction qu’il faut pour cerner la tanière ; car, si la bête nous échappait, il ne faudrait pas qu’elle pût échapper aux autres. Je reviens dans cinq minutes.

Christian resta seul dans un site étrange. Depuis le chalet, il avait fait avec son guide environ une demi-lieue au sein d’une forêt magnifique jetée en ondes épaisses et larges sur le dos de la montagne. La profusion des beaux arbres dans ces régions et la difficulté de les transporter pour l’exploitation sont cause de la prodigalité pour ainsi dire méprisante, on oserait même dire impie, avec laquelle sont traitées ces nobles productions du désert. Pour faire le moindre outil, le moindre jouet (les pâtres dalécarliens, comme les pâtres suisses, taillent et sculptent très-adroitement le bois résineux), on sacrifie sans regret un colosse de verdure, et souvent, pour ne pas se donner la peine de l’abattre, on met le feu au pied : tant pis si l’incendie se propage et dévore des forêts entières ! En beaucoup d’endroits, on voit des bataillons de monstres noirs se dresser sur la neige,