Page:Sand - La Daniella 1.djvu/100

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jets les plus délicats avec un abandon extraordinaire. Comme je suis seul maintenant (il est midi, et je vous écris à bâtons rompus, en attendant toujours lord B***, qui m’a fait dire qu’il allait venir me prendre), je veux vous la transcrire comme une peinture de mœurs. Peut-être resterai-je ensuite quelques jours sans pouvoir vous tenir ainsi au courant de mes faits et gestes ; car il faudra voir Rome et digérer mieux les réflexions que je me permets aujourd’hui de mettre étourdiment et crûment sous vos yeux. Je profiterai donc du moment que je tiens encore, pour vous installer avec moi, par la pensée, dans ce nouveau monde où je viens d’être jeté par le hasard.

LA DANIELLA, à Brumières, pendant que je me résigne à avaler une côtelette assez bonne qui n’est ni mouton ni agneau. (La Daniella parle facilement le français, mais non correctement, et je supprime les contre-sens et les pataquès). — Je savais bien, Excellence, que, vous aussi, vous soupiriez pour la signorina.

BRUMIÈRES. — Moi aussi ? Qui donc est l’autre ?

VOTRE SERVITEUR, la bouche pleine. — Il paraît que c’est moi !

BRUMIÈRES. — Coquin de paysagiste, vous ne me disiez pas ça ! N’en croyez rien, charmante Daniella, et dites bien à votre jeune maîtresse qu’elle ne fasse pas d’erreur. C’est moi, moi seul qui soupire pour elle.

LA DANIELLA. — Vous seul ? Un seul amoureux à une si belle fille ? Elle ne le croirait pas ! N’est-ce pas que vous aussi, signor Giovanni di Val-Reggio, vous aimez ma maîtresse ?

VOTRE SERVITEUR, toujours la bouche pleine, — Hélas ! non, pas encore !

(Stupéfaction de l’auditoire).

TARTAGLIA, indigné. — Cristo ! vous faites l’impru-