Page:Sand - La Daniella 1.djvu/132

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la civilisation n’y a point de part pour le pauvre voyageur, et, si les villas princières que je vois de ma fenêtre attestent un reste de magnificence, la population ouvrière et bourgeoise qui végète à leur pied ne me parait pas s’en ressentir le moins du monde.

La ville est pourtant jolie, non-seulement par sa situation pittoresque et son côté de ruines pendant sur le ravin, mais encore par elle-même. Elle est bien coupée et assez bien bâtie. On y arrive par une porte fortifiée qui a du caractère ; la place, bien italienne avec sa fontaine et sa basilique, annonce une importance, une étendue et une aisance qui n’existent pas ; mais c’est comme cela dans toutes ces petites villes des États de l’Église : toujours une belle entrée, des monuments, quelques grandes maisons d’aspect seigneurial, quelque villa élégante ou quelque riche monastère ayant à vous montrer quelques ; tableaux de maîtres ; et puis, pour cité, une bourgade d’assez bon air, peuplée de guenilles et recélant à l’intérieur une misère sordide ou une insigne malpropreté.

Je suis entré dans vingt maisons pour trouver un coin où je pusse m’établir, et Dieu sait, qu’élevé dans un pauvre village de paysans, je n’apportais pas là de prétentions aristocratiques. J’ai trouvé partout le contraste particulier à ce pays : un luxe de décoration inutile au milieu d’un dénûment absolu des choses les plus nécessaires à la vie. Dans la plus pauvre demeure, des sculptures et des peintures : nulle part, à moins de prix exorbitants, un lit propre, une chaise ayant ses quatre pieds, une fenêtre ayant toutes ses vitres. J’entrais dans ces maisons sur leur mine. Bien bâties et tenues fraîches, au dehors, par un air pur, elles annonçaient l’aisance. On est tout surpris de trouver, dès l’entrée, une sorte de vestibule voûté qui sert de latrines aux passants ; un escalier noir, étroit, avec des marches de deux pieds de haut,