Page:Sand - La Daniella 1.djvu/169

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Comme tout danger était franchi, à ce que nous assura le guide, je feignis de vouloir aller au-devant de lord B***, qui n’arrivait pas, et je me mis à courir, résolu à ne plus échanger un mot ni un regard avec Medora. Je vis lord B*** beaucoup au-dessous de nous. Il nous avait dépassés et devisait avec Tartaglia, trop familièrement sans doute au gré de sa femme.

Pour les atteindre, je n’avais qu’à suivre le sentier qui s’enfonce en long corridor, taillé de main d’homme dans la roche. Cette galerie, percée de jours carrés comme des fenêtres, ne gâte rien dans le tableau. Elle vous fait tourner de plain-pied une face abrupte de la montagne, et, quand on la voit du dehors, ses ouvertures ombragées de lianes ressemblent à une suite d’ermitages abandonnés et devenus inaccessibles. Elle est propre et sèche dans toute son étendue ; c’est là dedans qu’on voudrait demeurer si on pouvait choisir son gîte à Tivoli. On nous a dit que ce travail était beaucoup plus ancien que celui du général Miollis, et qu’il avait été fait pour les plaisirs d’un pape amoureux des grottes de Neptune.

J’allais sortir de ce défilé lorsqu’un frôlement de robe m’avertit que j’étais suivi. Je fis la sottise de me retourner, et je vis Medora, pâle et comme désespérée, qui courait littéralement après moi.

— Laissez-moi, lui dis-je résolument, vous êtes folle !

— Oui, je le sais, répondit-elle avec énergie ; c’est même pour vous en convaincre tout à fait que me voilà encore près de vous. Si vous trouvez là quelque chose de plaisant, vous pouvez en rire avec M. Brumières et tous ses amis de l’école de Rome…

— Vous me prenez pour un lâche ou pour un sot ! Vous voyez donc bien que vous étiez folle de vous confier à ce point à un homme que vous ne connaissez pas.