Page:Sand - La Daniella 1.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

là saintement dans un sanctuaire d’innocence, au milieu des humbles recherches féminines d’une coquetterie bien entendue, sans songer à tirer parti de sa supériorité d’esprit, de luxe et de manières sur toutes ses compagnes ? Imaginer une grisette de Frascati vertueuse ou seulement désintéressée, n’était-ce pas, selon Brumières, le comble du don quichottisme ?

Que m’importait, après tout ? Et pourquoi cette dévorante inquiétude ? Pourquoi vouloir trouver une vestale dans une fillette à l’œil provoquant et à la démarche voluptueuse ? N’était-ce pas assez de voir qu’elle avait, relativement, autant de soin de sa jeunesse et de ses charmes que miss Medora elle-même ? Rencontrer cette initiation à la vie civilisée chez une Italienne de cette classe, n’était-ce pas une bonne fortune à ne pas dédaigner ?

Au beau milieu de ces réflexions d’une grossière philosophie, je devins d’une tristesse mortelle, sans trop savoir pourquoi. J’étais assis sur la chaise peinte et dorée, auprès de la fenêtre. À travers les fleurs d’une grosse touffe de pétunia blanche, qui poussait d’elle-même dans les fentes d’une pierre, comme chez nous les violiers jaunes, je pouvais plonger de l’œil dans le gouffre immonde de la Cloaca, où se précipitaient des ruisseaux d’eau de lessive et de fumier. Et pourtant, un air vif, passant, à la hauteur où j’étais, sur toutes ces émanations pestilentielles, ne s’imprégnait autour de moi que des parfums de ces fleurs et de cette chambre. La splendide verdure des rochers et des ruines tendait à couvrir et à cacher la sentine impure, et, dans le ciel immense qui s’étendait sur la campagne de Rome et sur les montagnes bleues de l’horizon, il y avait quelque chose de si doux et de si pur, qu’on ne pouvait allier la pensée du vice avec celle de l’habitante de cette cellule aérienne.

— Mais quoi, pensais-je en m’arrachant au charme qui me