Nous reprîmes donc le trot. La journée avait été magnifique et le ciel était clair. Nous avions dépassé Tor-di-Mezza-Via, grande tour isolée au milieu des champs, qui marque la moitié du chemin entre Rome et Frascati, lorsque Tartaglia, qui avait jusque-là trotté respectueusement derrière moi, me dépassa au galop, en me criant de ne pas le suivre de trop près, mais de maintenir mon allure.
Ceci me donna à penser qu’il avait accointance avec quelques rôdeurs de nuit, et qu’il avait été averti de leur présence par un signe insaisissable à ma vue ou à mon oreille. Je ne doutai plus du fait lorsque, l’ayant rejoint au trot, je le vis remonter précipitamment sur son cheval et prendre congé d’un groupe d’hommes, parmi lesquels j’en remarquai un de haute taille, qu’il ne me sembla pas voir pour la première fois, et qui parut éviter mes regards en se tournant vers le fossé de la route. Les autres avaient l’air misérable de tous les gens du pays.
— Coquin ! dis-je à Tartaglia, quand nous les eûmes dépassés, tu as tes raisons, je crois, pour ne pas craindre les bandits.
— Mossiou ! mossiou ! fit-il en mettant le doigt sur ses lèvres, ne parlez pas de ce que vous ne savez pas ! Il y a de mauvaises gens dans la campagne de Rome ; mais il y en a aussi d’honnêtes, et il est bon d’avoir un ami comme moi, qui sait comment il faut parler aux uns et aux autres.
— Puis-je te demander, au moins, si ceux dont tu prétends me préserver en ce moment sont de mauvais ou d’honnêtes bandits ?
— Vous demandez ce qu’il ne vous servirait à rien de savoir, et je ne prétends rien, puisque je ne vous demande rien ni pour eux ni pour moi. Marchons, marchons, je vous prie : je ne crains que les surprises.
Nous arrivâmes sans encombre au pied de la montagne.