Page:Sand - La Daniella 1.djvu/302

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trousseau de clefs et réclame aux curieux une mancia particulière.

La paix s’est faite, mais une paix armée, où chacun, jaloux de ses droits, observe son adversaire et surveille les libéralités de la clientèle, clientèle nulle en ce temps-ci, mais assez fructueuse quand Frascati se remplit d’étrangers.

Je m’intéressai à ce détail par la crainte d’être dérangé, rançonné ou trahi par Felipone. Daniella m’assura que, ne pénétrant jamais dans l’enceinte, dont il n’a pas tes clefs, il ne se douterait seulement pas de ma présence.

— Mais ces deux bottes de paille que nous venons de lui prendre, et qui se trouvaient en nombreuse compagnie dans une des salles du manoir ?

— Ceci est une tolérance d’Olivia, à qui il paye quelque chose comme loyer de ce fourrage. Il le retirera quand la consommation de ses bêtes aura fait de la place dans sa grange ; mais, pour cela, il faudra qu’Olivia s’y prête en ouvrant elle-même la porte à ses chariots. Donc, tu es seul ici comme le pape sur sa chaise gestatoria, et tu pourras y dormir, cette nuit, sur les deux oreilles.

Elle partit pour me chercher à manger. Je ne voulais qu’un morceau de pain caché dans sa poche, pourvu qu’elle revint bien vite. Elle me promit de ne pas perdre le temps en inutiles gâteries.

Pendant son absence, j’explorai attentivement mon domicile. Il y faisait passablement froid ; mais il y a une cheminée, et le bois ne manque pas dans les appartements en réparation. J’allai chercher une provision de copeaux, après m’être assuré ; qu’il y avait chez moi des volets pleins qui me permettaient d’éclairer l’appartement sans que cette clarté fût aperçue du dehors. La nuit s’annonçait noire et pluvieuse comme celle d’hier.

— Quand elle sera tout à fait venue, me disais-je, les nuages qui rasent cette cime où