Page:Sand - La Daniella 1.djvu/314

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couvent des Camaldules, qui est à un quart de lieue d’ici. Je ne sache pas qu’il y ait là d’autre instrument que l’orgue de l’église : il faut que quelque moine artiste soit en train d’étudier une messe pour dimanche prochain.

— Une messe sur une étude de Bertini !

— Pourquoi non ?

— Mais ce n’est pas plus là le son de l’orgue qu’une crécelle n’est une cloche.

— Eh ! mon Dieu, la nuit, et quand l’air est détendu par la pluie, les sons lointains nous arrivent quelquefois si déguisés, que l’on jurerait entendre tout autre chose que ce qui est.

Il fallut nous arrêter à cette supposition. Il n’y en a pas d’autre admissible. Nous nous rendormîmes au son du piano fantastique, dans cette masure, que l’on pourrait appeler le château du diable.

À mon tour, je fus vaincu par le sommeil, à tel point, que Daniella, craignant mon chagrin et mon inquiétude ordinaires, se leva sans bruit, au point du jour, et s’échappa furtivement, après m’avoir bien enfermé dans le casino, car elle craignait qu’étant libre d’errer dans les ruines, je ne me fisse voir par quelque ouverture.

Elle ne fut pas plus tôt partie, qu’une sollicitude instinctive m’éveilla, et que je voulus courir après elle pour lui dire mon projet d’évasion ; mais j’étais sous clef et je me résignai à reprendre mon somme. Le temps s’annonçait magnifique, et le soleil envoyait déjà une lueur rose derrière les montagnes bleuâtres. Sur ces terrains inclinés, où la roche volcanique s’égrène en sable doré à la surface, la pluie ne laisse ni fange ni humidité, et, une heure après la plus forte averse, on n’en retrouve la trace que sur les herbes plus vertes et les fleurs plus riantes. Je me consolai donc un peu, en pensant que ma chère Daniella n’avait à faire,