Page:Sand - La Daniella 1.djvu/88

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— Ah ! ciel ! s’écria lady Harriet, encore cette odieuse bête ! Elle vous a suivi !

— C’est malgré moi, répondit-il en soupirant.

— Non, vous dis-je ; c’est un chien que vous avez acheté ou qu’on vous a donné… Vous me trompez toujours ! Vous disiez qu’il appartenait à quelque passager ; mais c’est à vous qu’il appartient. Convenez-en donc !

Milord jeta sur moi instinctivement un regard de détresse. Instinctivement entraîné, de mon côté, à prendre en pitié le chien et son maître, je m’imaginai de dire que l’animal était à moi. J’avais entendu le nom que milord lui donnait.

Buffalo ! m’écriai-je, venez ici. Pourquoi êtes-vous sorti de ma chambre ? Venez !

Et, comme si l’intelligente bête eût compris ce qui se passait, elle vint à moi la tête basse et l’air suppliant. J’allais l’emmener, lorsque miss Medora demanda grâce à sa tante pour le chien, et la tante, excellente femme en somme, me pria de le faire manger et de le laisser s’installer dans un coin.

— Il ne me gêne pas, dit-elle ; il a l’air bonne personne, et il n’est pas si laid que je croyais.

— Je vous demande pardon, dit lord B***, il est fort laid, et vous détestez les chiens.

— Où prenez-vous cela ? reprit-elle. Je ne les déteste pas du tout !

— Ah ! oui, pardon ! c’est vrai, murmura-t-il avec son mélancolique sourire : vous ne détestez que mes chiens.

Lady Harriet leva les yeux au ciel comme une victime prenant les dieux à témoin d’une grande injustice. On se levait de table. Lord B*** m’emmena dans un coin.

— Vous êtes un bon garçon, me dit-il ; vous avez compris que j’aime ce chien. Grâce à vous, il restera dans la maison. Voilà deux fois aujourd’hui que vous me faites faire ma volonté.