Page:Sand - La Daniella 1.djvu/90

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l’homme qui me servait de caution, et je me hâtai de dire que Brumières ne me connaissait guère plus que lady Harriet elle-même.

— C’est égal, reprit-elle sans se déconcerter, il nous a dit que vous étiez peintre comme lui, et que vous aviez beaucoup de talent.

— Il n’en sait rien, milady ; il n’a pas vu de moi la moindre chose.

— Oh ! c’est égal ! Il dit que vous parlez si bien de l’art ! et il en parle si bien lui-même ! Il a tant d’esprit, et il est de si bonne compagnie ! C’est un jeune homme charmant ! et il dit que vous êtes charmant aussi !

— Ce qui est bien la preuve, répondis-je en toute humilité, que nous sommes charmants tous les deux ! Mais permettez, milady, vous êtes bienveillante, et votre gratitude pour moi fait honneur à la générosité de votre âme. Pourtant, je ne dois pas…

Milady m’interrompit en s’écriant :

— Ah ! monsieur, je vois, à votre discrétion et à votre fierté, que ma confiance est bien placée, et que je n’aurai jamais à m’en repentir. Vous n’êtes pas riche, je le sais, et vous allez, en quelques jours, dépenser à Rome, où l’on est affreusement volé, tout ce qui pourrait vous en rendre le séjour possible. Nous, nous avons plus de fortune que nous n’en pouvons dépenser ; et, d’ailleurs, nous ne louons pas, on nous prête cet hôtel, dont nous n’occupons pas la moitié. Vous pouvez donc être libre et seul dans tout un étage, qui ne communique même pas avec le nôtre, si l’on veut faire vie à part. Vous n’accepterez notre table et notre société qu’autant qu’il vous plaira, pas du tout si nous vous ennuyons. Mais, pour ne pas nous causer un chagrin réel, vous serez sous notre toit, et, dans le cas où vous seriez malade, ce qui peut fort bien vous arriver dans ce climat, nous serons plus à portée de vous dis-