Aller au contenu

Page:Sand - La Daniella 2.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rieuse que les fourrés d’Europe puissent offrir : il ne produit pas de ronces. On ne s’y trouve pas enfermé et comme mis en cage par ces énormes réseaux d’églantiers et de mûres sauvages qui s’installent chez nous dans les taillis, et que les chiens de chasse les plus intrépides renoncent quelquefois à traverser.

Ici, la nature n’est pas méchante, malgré son grand air de résistance. Elle menace plus qu’elle ne blesse. Elle est en harmonie avec le tempérament hardi et aventureux, mais peu résistant et rarement stoïque de ses habitants.

En cette circonstance, je dois pourtant dire que Felipone fut plus robuste, c’est-à-dire plus gai et plus insouciant que moi. J’étais harassé ; j’avais des nerfs et il n’avait que des muscles. Nous ne marchions plus que sur les mains et sur les genoux, lorsque enfin nous gagnâmes un sol à peu près vierge de pas humains, au flanc du grand mur de rocher. Il n’y avait même pas de traces d’animaux dans cette impasse. La cascade tombait à notre droite, et une coupure aiguë sillonnait le massif volcanique devant nous.

C’est là que bondissait, sur un escalier naturel, le véritable courant de la source, la cascade à grande nappe n’étant que le résultat des eaux pluviales et d’un torrent accidentel. Cet escalier se trouve enfoncé en retrait dans le roc et devient invisible à mesure qu’il s’élève.

— Suivez cette échelle de roches et de cascatelles, me dit Felipone. Il y a partout moyen d’y grimper à sec avec un peu d’adresse. Ma femme y a passé pour aller voir notre ami le docteur, un jour qu’un grand mal de dents m’empêchait de sortir ; pauvre petite femme ! elle est si bonne pour moi ! Je vous quitte ici. J’ai encore un peu de chemin à faire à la manière des chèvres, et je gagnerai le bourg de Rocca-di-Papa, qui est là-haut tout près ; vous ne vous en douteriez guère, car ceci ressemble au bout du monde.