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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/155

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me faisait l’effet d’un mauvais rêve dont le sens vous échappe à chaque instant.

Je crois que je dormis une heure. Quand je m’éveillai, je la vis assise auprès de moi, chassant les cousins de ma figure et me regardant avec une expression si tendre et si triste que j’en fus navré.

— Pardonne-moi, lui dis-je en l’attirant sur mon cœur ; tu souffrais, et, moi, j’ai dormi ! C’est la première fois que cela m’arrive, et je ne croyais pas que cela pût m’arriver jamais, de me trouver anéanti devant tes larmes, et de n’avoir pas en moi la force de te consoler. C’est donc que ta douleur est, pour moi, une chose impossible à soutenir, et qu’il faudra que je m’endorme dans la mort si elle continue ! Tiens ! si notre bonheur est fini, si je dois ne plus te faire que du mal, cesse de m’aimer, toi qui es forte, et laisse-moi me tuer, car je me sens faible et incapable de réagir contre tes reproches.

— Non, non ! s’écria-t-elle, il n’en sera pas ainsi ! Tu sauras souffrir, s’il m’arrive de souffrir encore. Que puis-je te promettre ? Rien, puisque je deviens folle à l’idée d’être trahie, Oui, folle ! Tu l’as bien vu, il m’était impossible de t’entendre et de m’entendre moi-même. Mon cœur te défendait et me criait que tu étais sincère ; mais je ne sais quel démon criait encore plus fort dans mes oreilles. Ah ! ne me dis pas que notre bonheur est fini, car je me poignarderais tout de suite si tu croyais cela ! Non ! non ! Je te jure que je ne suis plus jalouse et que je ne veux plus l’être. Si cela m’arrive encore, eh bien ! dis-toi que j’ai un terrible accès de fièvre, et ne m’abandonne pas plus que tu ne le ferais si je tombais malade. Est-ce que tu ne comprends pas cela, mon Dieu, qu’on soit jaloux avec rage de ce qu’on aime avec passion ? Serais-tu tranquille et raisonnable si tu me voyais courir ou me cacher pour causer