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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/188

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— Pourquoi ? Voyons ! il faut s’expliquer. Vous avez été effrayé de mon amour, et j’ai compris cela. Vous êtes méfiant et pénétrant ; vous avez deviné que ce coup de tête n’amènerait rien de bon ; mais, que vous ayez la même peur de mon amitié, voilà ce que je trouve inouï, et ce qui m’est plus pénible encore. Soyez donc sincère tout à fait, et même avec brutalité, puisque c’est votre caractère. Je suis lasse d’aller au-devant de votre sympathie, et l’effort que je tente aujourd’hui sera le dernier.

Tel est le résumé des préliminaires de l’explication que je fus sommé de donner et que je donnai enfin, résumée ainsi qu’il suit. C’est à vous, surtout, que je la donne nettement formulée, pour que vous puissiez juger mes sentimens et ma conduite dans cette situation extrêmement délicate.

Entre personnes sincères ou sérieuses, l’amitié naît de l’estime mutuelle ou de l’attrait réciproque, soit des esprits, soit des caractères. Mais les natures légères, aussi bien que les natures calculées, font un étrange abus du nom et des privilèges apparents de l’amitié. Je crois que les femmes, et surtout certaines femmes à la fois astucieuses et frivoles, se servent de ce mot sacré d’amitié comme d’un éventail de plumes qu’elles font jouer entre elles et la vérité. Je sens que celle-ci me hait et voudrait me faire souffrir. Elle invente l’amitié pour me retenir sous sa main, à portée de sa vengeance ; de même que, pour épouser un titre, elle avait inventé d’avoir de l’amour pour ce pauvre prince, raillé, méprisé, outragé et abandonné tout à coup pour avoir ronflé en voiture et parfumé ses habits de lavande : de même que, pour avoir un nouvel esclave à tourmenter en attendant mieux, elle invente d’avoir de l’amitié et de faire ses plus intimes confidences à Brumières.

La facilité avec laquelle les hommes se laissent prendre à ces prétendues amitiés de jeunes femmes s’explique très-