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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/202

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virait absolument à rien, si elle n’était pas douée comme elle l’est. Il y a des artistes qui ont étudié dix ans et qui ne se doutent pas de ce qu’elle sait, sans qu’elle-même s’en doute.

— C’est vrai, cela ! reprit-il naïvement, et le diable m’emporte si elle ne chante pas mieux que la*** et la*** !

— Voilà que vous passez d’un excès à l’autre. Elle ne sait pas le métier, et, en toutes choses, le métier est à l’art ce que le corps est à l’esprit. Elle doit apprendre à ménager ses moyens, afin de les trouver toujours à son service, même quand l’inspiration, qui est une chose fugitive, lui fera défaut. Et puis, cette distinction naturelle, cette élévation instinctive, ont besoin d’un criterium du plus au moins en elle-même ; et c’est par le savoir, qui est la lumière du sentiment, qu’elle l’acquerra.

— Oui ! le pourquoi et le comment ! Mais croyez-vous qu’elle conserve cette fraîcheur de timbre, cette naïveté d’accent ?

— Je l’espère, car je ne veux pas qu’elle ait d’autres professeurs que moi, et je m’imagine savoir comment il faut développer une individualité comme la sienne.

— Ah ça ! vous êtes donc un grand musicien, vous aussi ?

— Non certes. Je sais ce que c’est que la musique, voilà tout.

— Et vous l’aimez passionnément ?

— Depuis huit jours, oui !

— Et votre femme sera une grande cantatrice

— Oui ! lui cria Daniella moitié riant, moitié impatientée de ses questions, dont elle ne voyait pas venir le but.

Je le pressentais, et je voulus en détourner l’aveu.

— Voyons, dis-je à Daniella, veux-tu lui chanter un air du pays ? Cela, c’est toi seule, toi tout entière, avec ce que