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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/205

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que lui et qu’en retournant du fumier j’avais trouvé un diamant ; tandis que lui, en retournant des perles fines, il n’avait ramassé qu’un hanneton.

Je saisis l’occasion de le faire taire sur le compte de Daniella en le faisant parler de Medora, et, quoique peu curieux d’entendre un nouveau chapitre de ce roman qui ne m’intéresse pas énormément, je feignis d’y prendre beaucoup de part.

— Eh bien, mon cher, répondit-il, je voudrais bien que nous fussions dans une planète où il serait possible et convenable de dire à un ami : « Changeons, prenez mon rêve et donnez-moi le vôtre.» Vrai ! je vous envie cette adorable et magnifique Romaine qui, en attendant la gloire et la fortune, vous donne à la fois l’ivresse et la sécurité de l’amour. Oh ! je vois bien maintenant quel bonheur est le vôtre ! Moi, sachez que j’ai de cette Anglaise aussi éventée que glacée, cent pieds par-dessus la tête, et qu’il me prend envie, cent fois par jour, non pas de l’enlever, mais de m’enlever moi-même d’auprès d’elle. Ah ! si j’avais seulement un petit ballon, comme je m’en servirais, dès ce soir !

— Voyons, qu’y a-t-il donc de nouveau, et comment depuis huit jours, la scène a-t-elle changé de face à ce point-là ?

— Mon cher, vous êtes trop inexpérimenté pour savoir ce que c’est qu’une coquette. C’est un miroir à prendre les alouettes. Ça brille, et tout à coup ça ne brille plus, car ça ne luit qu’à la condition de tourner toujours.

— Qui vous force au métier d’alouette ?

— Eh ! eh ! l’ambition ! Je ne fais pas la bégueule avec vous, moi, je dis la chose telle qu’elle est ; j’aimerais à avoir huit cent mille livres de rente : vrai, ça me ferait plaisir ! Je ne suis pas un Arabe du désert comme vous ; je suis né satrape. Il n’y a pas de mal à ça quand on est bien décidé à ne