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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/230

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— Vous allez avoir, dans le curé, un ennemi bien à craindre, dit-elle. Ce n’est pas un méchant homme ; mais il sera fâché de perdre comme ça son autorité par surprise. Et puis, Dieu sait ce que c’est qu’un prêtre étranger qui est venu rendre visite à lord B***, et qui est, je crois, encore avec lui à l’heure où je vous parle. Il a une figure noire qui m’a fait peur, et, si vous m’en croyez, vous n’irez pas à Piccolomini pendant qu’il y est.

Les inquiétudes de Mariuccia ne pouvaient m’atteindre. Marié avec Daniella, je me sentais libre et fier comme si j’eusse été le maître du monde. Nous passâmes la grille et vîmes, dans le stradone, lord B*** qui marchait lentement avec un prêtre. Tous deux nous tournaient le dos. Je voulus aller vers eux ; Daniella voulait m’en empêcher et aller d’abord saluer lady Harriet.

— Je ne sais pas pourquoi cet homme noir me fait peur, disait-elle. Sachons de milady s’il vient ici pour nous, et ne nous montrons pas à lui. Viens vite, passons avant qu’il se retourne !

II était trop tard : les deux promeneurs se retournèrent, et ce prêtre, dont je ne m’étais pas donné la peine d’observer la démarche, me montra en plein sa figure. C’était l’abbé Valreg !

Je courus me jeter dans ses bras, et, le ramenant vers Daniella interdite, je lui dis, comme au curé de Frascati :

— Voilà ma femme !

— Ta femme ! ta femme ! dit-il avec moins d’humeur que je n’en attendais de sa part, ce n’est pas encore décidé !

— C’est décidé et conclu, repris-je nous sortons de l’église, et nous sommes mariés.

— Mariés ? mariés sans mon consentement ! quand j’avais écrit au curé de Frascati que je m’opposais… Ah ! je vois bien que tout va à la diable dans ce pays du bon Dieu, et me