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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/229

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vivement. Sa gravité extatique et son recueillement profond contrastaient avec les prosternations facétieusement hypocrites de Tartaglia, et la campe audacieuse de l’incrédule Felipone. Couverte de son châle blanc, qui, de sa tête brune, retombait sur sa robe de deuil, elle offrait une harmonie de tons austères et de lignes pures qui rappelait la suave majesté des vierges d’Holbein.

Cette beauté délirante aux heures de l’expansion a une faculté étonnante de transformation complète lorsqu’elle se concentre, pour ainsi dire, dans son ravissement intérieur. Elle porte tour à tour, au front et dans les yeux, l’éclair brûlant et la tranquille lumière des étoiles. Jamais encore je ne l’avais vue si chastement belle et si saintement heureuse.

Quand la messe fut finie et l’acte rédigé dans la sacristie, sans qu’une seule parole fût échangée entre nous et le curé, nous sortîmes de l’église, Daniella et moi. Felipone regagna sa ferme sans vouloir ébruiter la part qu’il avait prise à notre mariage, et, pendant que nous lui adressions quelques remercîments rapides, Tartaglia avait disparu comme un rêve.

À peine étions-nous dans la rue, ma femme et moi, qu’une, deux, trois et bientôt vingt commères vinrent nous accoster et nous questionner. En un quart d’heure, tout Frascati sut que nous étions bel et bien mariés. Nous nous donnions le divertissement de l’annoncer en confidence à chaque curieuse, en la priant de garder le secret. C’était le plus sûr moyen de donner à notre mariage la consécration de la publicité.

Notre premier soin fut d’aller en faire part aux habitants de la villa Piccolomini. Nous rencontrâmes en chemin la tante Mariuccia, qui pleura de joie, mais qui nous témoigna une certaine inquiétude.