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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/235

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regarder ; mais rien ! c’est affreux ! Des vieux tas de pierres dans les plus beaux quartiers, des statues à qui il manque bras et jambes, un pays à l’abandon, une brande de Vaudevant, une brenne de Mézières tout autour de la ville sainte, des aqueducs qui n’amènent plus d’eau, des bœufs desséchés, des hommes qui ont tous l’air de brigands, qu’on est toujours à regarder derrière soi s’ils ne reviennent pas vous assassiner après vous avoir ôté leur guenille de chapeau ; des femmes sales qui ont l’air effronté, par dessus le marché ; des scorpions dans le pain, des cheveux dans la soupe… et quelle soupe ! je n’en voudrais pas chez nous pour laver les sabots de ma jument. Pouah ! le vilain pays ! Dépêche-toi de me regarder, car tu ne m’y verras pas longtemps, dans ta belle campagne de Rome !

Quand il eut exhalé son dépit, sa fatigue, ses déceptions et ses étonnements, il se sentit plus calme et consentit à venir déjeuner à Piccolomini, où lady Harriet nous réclamait. C’était la première fois qu’elle se remettait à table avec la famille, et je trouvai Daniella assise à côté d’elle, Medora entra quand nous eûmes tous pris place, et sa figure, animée par la promenade du matin, prit une expression de fureur quand elle vit l’accueil fait à ma femme. Elle se calma aussitôt, et, après avoir souhaité le bonjour à sa tante, elle se retira chez elle, sous prétexte de migraine, mais bien évidemment pour ne pas manger avec Daniella.

Lady Harriet fut admirablement bonne et charmante en cette circonstance. Elle sauva l’impertinence de sa nièce en affirmant que Medora était réellement indisposée ; mais elle l’affirma d’un air et d’un ton qui montraient que cette personne injuste et volontaire avait perdu toute influence sur elle, et qu’elle se souciait fort peu de la mécontenter. Elle avait fait improviser à son cuisinier, dès qu’elle avait su, par Daniella, notre mariage, un déjeuner plus recherché