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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/236

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qu’à l’ordinaire ; et Mariuccia avait couvert de fleurs les assiettes de dessert. C’était, disait lady Harriet, tout ce que l’on avait pu faire pour notre repas de noces ; et l’abbé Valreg qui, sans être gourmand, a des habitudes de bien vivre très-contrariées depuis qu’il a quitté son presbytère, recouvra toute sa bonne humeur devant cette table proprement et copieusement servie.

La bonne Mariuccia voulut aider dans l’office, bien qu’elle ne se mêle jamais du service de nos Anglais. Cette femme aimante et dévouée était heureuse de regarder, par la porte entr’ouverte, sa nièce assise à la table des milords. Lord B*** l’aperçut au dessert et dit quelques mots à l’oreille de sa femme, qui la fit appeler pour la prier de boire avec elle à la santé des mariés. Elle lui versa elle-même du vin de Grèce dans un verre taillé, et le lui présenta sur une assiette avec force biscuits et confitures. Mariuccia ne fut pas invitée à s’asseoir. La conversion de milady ne pouvait aller jusque-là ; et en somme, Mariuccia, qui ne s’était pas attendue à tant d’honneur et qui n’était pas en toilette, n’eût pas accepté avec plaisir de s’arrêter plus longtemps. Elle fit le tour de la table pour trinquer avec chacun de nous, embrassa sa nièce avec enthousiasme, et emporta les friandises pour le capucino, ce pauvre idiot de frère qu’elle aime et qu’elle gâte, tout en disant qu’il s’est fait moine parce qu’il n’était bon à rien.

Brumières fut aimable aussi. Il improvisa très-heureusement des vers qu’il écrivit au crayon sur le dos d’une assiette, et dans lesquels il vanta à propos le bon cœur et la vive pénétration de la noble dame qui accueillait maternellement la femme de génie, la future grande artiste. Lady Harriet voulut avoir l’explication de cette énigme. Daniella s’y refusait, en riant des exagérations de notre ami ; mais celui-ci parla, malgré nous, avec tant de feu, de la voix et