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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/254

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Rocca-di-Papa est un cône volcanique couvert de maisons superposées jusqu’au faîte, qui se termine par un vieux fort ruiné. Les caves d’une zone d’habitations s’appuient sur les greniers de l’autre ; les maisons se tombent continuellement sur le dos ; le moindre vent fait pleuvoir des tuiles et craquer des supports. Les rues, peu à peu verticales, finissent par des escaliers qui finissent eux-mêmes par des blocs de lave supportant une ruine difficile à aborder, et flanquée d’un vieil arbre qui se penche sur la ville, comme une bannière à la pointe d’un clocher.

Tout cela est vieux, crevassé, déjeté et noir comme la lave dont est sorti ce réceptacle de misère et de malpropreté. Mais, vous savez, tout cela est superbe pour un peintre. Le soleil et l’ombre se heurtent vivement sur des angles de rochers qui percent de toutes parts à travers les maisons, sur des façades qui se penchent l’une contre l’autre, et tout à coup se tournent le dos pour obéir aux mouvements du sol âpre et tourmenté, qui les supporte, les presse et les sépare. Comme dans les faubourgs de Gênes, des arceaux rampants relient de temps en temps les deux côtés de la ruelle étroite, et ces ponts servent eux-mêmes de rues aux habitants du quartier supérieur.

Tout est donc précipice dans cette ville folle, refuge désespéré des temps de guerre, cherché dans le lieu le plus incommode et le plus impossible qui se puisse imaginer. Les confins de la steppe de Rome sont bordés, en plusieurs endroits, de ces petits cratères pointus, qui ont tous leur petit fort démantelé et leur petite ville en pain de sucre, s’écroulant et se relevant sans cesse, grâce à l’acharnement de l’habitude et à l’amour du clocher.

Cette obstination s’explique par le bon air et la belle vue. Mais cette vue est achetée au prix d’un vertige perpétuel, et cet air est vicié par l’excès de saleté des habitations.