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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/255

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Femmes, enfants, vieillards, cochons et poules grouillent pêle-mêle sur le fumier. Cela fait des groupes bien pittoresques, et ces pauvres enfants, nus au vent et au soleil, sont souvent beaux comme des Amours. Mais cela serre le cœur quand même. Je crois d’ailleurs que je ne m’habituerais jamais à les voir courir sur ces abîmes. L’incurie des mères, qui laissent leurs petits, à peine âgés d’un an, marcher et rouler comme ils peuvent sur ces talus effrayants, est quelque chose d’inouï qui m’a semblé horrible. J’ai demandé s’il n’arrivait pas souvent des accidents.

— Oui, m’a-t-on répondu avec tranquillité, il se tue beaucoup d’enfants et même de grandes personnes. Que voulez-vous la ville est dangereuse !

J’entrai dans une des plus pauvres maisons pour me faire une idée de l’existence de ces êtres. Je fus surpris de la quantité de provisions et d’ustensiles entassés dans ce bouge infect, Jarres et tonneaux pleins de pois, de châtaignes, de grains et de fruits secs ; solives garnies de mais, d’oignons, de fromages, de viande de porc salé ; vases de terre, de bois et de faïence ; linge dans le cuvier de lessive ; lits énormes ; images de dévotion, chapelets bénits, statuettes et reliquaires, tout était pêle-mêle, et si encombré, qu’autour de la cheminée, de la table et des lits, il y avait à peine moyen de poser les pieds et de passer les épaules sans fouler ou renverser quelque chose.

Cette abondance en désordre, couverte de crasse et de vermine, me donna à penser. Ces gens sont donc pourvus de tout ce qui est nécessaire à la vie ; le sol est fertile, et ils possèdent dix fois plus d’aliments et de meubles que la plupart des journaliers de mon pays, dont les maisonnettes, propres et bien rangées, ne se remplissent jamais que de ce qui est strictement nécessaire au jour le jour. Chez nous, le pauvre n’a pas de provisions dans les mauvaises années ; il