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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/266

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vite pour nous rejoindre, et Daniella nous engageait à doubler le pas, afin de sortir avant lui de la petite gorge encaissée et boisée qui descend de Tusculum aux Camaldules. Mais cet empressement me parut devoir exciter les émotions de Felipone plutôt que de les apaiser, et Brumières, d’ailleurs, s’y refusa avec obstination.

Quand nous nous trouvâmes engagés dans les zigzags ombragés de ce ravin, nous perdîmes de vue le fermier.

— Voilà un joli petit bois, nous dit Brumières ; mais il faut convenir que c’est un vrai coupe-gorge.

Je lui répondis que j’en avais fait déjà la remarque lors de ma fuite nocturne avec le prince et Medora.

— Le fait est, dit Daniella, qu’il a été assassiné ici plus de gens qu’on n’en sait le compte, et que M. Brumières ferait bien puisque mon parrain ne peut le voir, de prendre sa course et de s’en aller à Frascati sans s’inquiéter de ce bijou, qui ne vaut pas le danger qu’il lui cause. Brumières regarda derrière lui et réfléchit un instant.

— À quoi pensez-vous ? lui demandai-je. Ce n’est pas le moment de s’arrêter.

— Croyez-vous réellement, dit-il, que ce gros joufflu, avec son rire bête, ait, dans son front court, la fâcheuse pensée, et, dans le caractère, l’énergie désagréable de m’envoyer une balle ?

— Moi, répondis-je, je ne crois pas qu’il ait cette pensée. Quant à l’énergie nécessaire pour se venger, je peux vous dire qu’il l’a à un degré très-prononcé.

Je songeais, en ce moment, à l’espèce de rage atrocement joviale avec laquelle Felipone avait craché à la figure de Masolino criblé par lui de chevrotines et couché dans le sang, à ses pieds.

— Et moi, dit Daniella, en prenant le bras de notre ami pour