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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/267

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le forcer à avancer, je vous répète, je vous jure que mon parrain veut vous tuer.

— Il vous l’a dit ?

— S’il me l’avait dit, c’est qu’il ne serait pas décidé à le faire. Ce que l’on veut faire, on n’en parle pas, et s’il avait laissé paraître quelque chose de son dessein, c’est qu’il ne serait pas encore mûr.

— Mais, s’il n’en dit rien et s’il n’en laisse rien paraître, comment pouvez-vous le supposer ?

— Pour voir ce qu’un Italien a au fond des yeux, répondit Daniella marchant toujours, il faut des yeux italiens. J’ai vu ce que pensait mon parrain dans le redoublement de sa gaieté. Il souffre bien allez !

— Pauvre cher homme ! dit en riant Brumières.

— Voyons, lui dis-je, avouez-nous la vérité : Felipone ne vous a-t-il pas surpris avec sa femme ?

— Eh bien… oui et non ! Ce matin nous étions dans un bosquet de la villa Falconieri, en tout bien tout honneur, cette fois, je vous jure ! La Vincenza s’avisait, un peu tard, d’être jalouse de Medora, ce qui, par parenthèse, me fait beaucoup désirer d’aller planter ma tente conjugale à Rocca-di-Papa, car cette jalousie intempestive pourrait être fort incommode. Je la rassurais de mon mieux, et je mentais comme un arracheur de dents pour l’empêcher d’élever la voix, et, malgré tout, elle parlait un peu trop haut. Enfin, j’ai réussi à me débarrasser d’elle sans trop de criailleries ; et, comme je revenais seul, par une de ces jolies allées de buis taillé qui sont comme flanquées de murailles vertes, je me suis trouvé nez à nez avec messer Felipone… Tenez, comme je m’y trouve ; encore, dit-il en baissant la voix et en nous montrant le fermier, qui, coupant le ravin en ligne perpendiculaire, venait en souriant à notre rencontre. Et Bru-