Aller au contenu

Page:Sand - La Daniella 2.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

usage les herbes de la cour. C’est bien bon pour un homme dont l’état est de se mortifier ; mais, si tu touches à nos vivres, tiens, vois-tu, je te mets à la broche, quelque osseux et peu appétissant que tu sois.

Le pauvre capucin tomba sur ses genoux en demandant grâce ; il pleurait comme un enfant.

— Rassurez-vous, frère Cyprien, lui dis-je, et rassure-toi aussi, Tartaglia. La position n’est pas si mauvaise qu’elle vous semble. Avant tout, sachez que, le jour où nous manquerons de vivres, et où toute tentative d’évasion sera reconnue impossible, je ne vous laisserai pas souffrir inutilement une heure de plus. J’irai me livrer, en franchissant le seuil de la porte, et vous serez immédiatement délivrés.

— Je ne le souffrirai pas, mossiou ! s’écria Tartaglia avec une emphase héroïque ; nous tiendrons ici jusqu’à ce qu’il nous reste un chardon à mettre sous la dent et un souffle de vie dans les mâchoires.

— Bon, bon ! merci, mon pauvre garçon ; mais ceci me regarde. Du moment que votre vie serait en danger, je me croirais relevé de mon serment envers Daniella.

— Je vous en relève ! murmura le capucin avec effusion ; je vous absous de tout parjure et de tout péché.

— Voyez-vous ce poltron et cet égoïste de moine ! reprit Tartaglia avec mépris. Eh ! je me moque bien de sa peau, à lui ! mais sachez, mossiou, qu’en vous livrant vous ne me sauveriez pas. Vous avez bien entendu que l’on m’accuse de trahir… ceux qui me croyaient leur compère pour vous persécuter et vous engager à sortir d’ici ! Mon affaire, à présent, n’est donc pas meilleure que la vôtre, et j’aimerais mieux devenir aussi sec qu’une pierre de ces ruines que d’avoir maille à partir avec le saint-office. Ce n’est pas la première fois que je goûte de la prison… et je sais ce qui en est ! Ne songez donc pas à une générosité inutile. Quant