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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/30

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à ce moine, j’espère bien que, pour l’empêcher de jeûner et de maigrir, comme c’est son devoir, vous n’irez pas nous exposer…

— Je ne t’exposerai pas ; tu seras toujours libre de rester ; mais je ne le laisserai pas souffrir ce pauvre homme qui est venu ici…

— Pour manger notre soupe ! Il n’avait pas d’autre souci !

— N’importe ! c’est l’oncle de ma chère Daniella, c’est le frère de la bonne Mariuccia, et, d’ailleurs, c’est un homme !

— Non, non ! s’écria Tartaglia oubliant ses habituelles simagrées de respect pour tout ce qui porte la livrée de l’Église ; un capucin n’est pas un homme ! Et plutôt que de vous laisser prendre pour sauver celui-là, je vous débarrasserais tout de suite de vos scrupules en le faisant sortir… n’importe par où !

Le capucin était tellement horrifié de ces menaces, qu’il était comme pétrifié sur sa chaise. J’imposai silence à Tartaglia. Je priai le pauvre moine de se tranquilliser et de compter sur moi. Il m’écoutait sans avoir l’air de comprendre. Il était au bout de ses facultés d’émotion et de raisonnement. Et, d’ailleurs, il avait pris un tel à-compte de macaroni sur la famine à venir, qu’il n’éprouvait plus que la pesanteur de la digestion. Il s’endormait sur la table. Je le conduisis à sa paille, en lui donnant, pour s’envelopper, ma couverture de laine, sacrifice dont il ne songea pas même à me remercier.

Je retrouvai Tartaglia livré à ses réflexions et plus tranquille que je ne l’avais laissé.

— Voyons, mossiou, dit-il, il faut raisonner, et, quand on raisonne, on se console toujours un peu. Il est impossible que la Daniella, sachant comme on nous traque…