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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/299

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Nous examinâmes toutes choses. Le lit où Tartaglia avait couché une nuit, avant celle où il avait arrangé, à la ferme, le mariage du prince, était encore dans le fond de l’hémicycle avec les matelas et les couvertures. Nous nous rappelions que le fermier avait attiré sa femme dans la befana en lui donnant pour prétexte qu’il fallait remporter cette garniture de lit, et le lit n’était pas dégarni. Les échelles qui avaient servi à porter Brumières dans la niche et à l’en faire descendre étaient encore là. J’y montai, je ne retrouvai dans la niche qu’un bouton de manchette, que je reconnus appartenir à Brumières. Il n’y avait aucune trace d’une lutte quelconque.

— N’importe, dit Daniella, j’ai rêvé que je devais venir ici, et je n’en sortirai pas sans une certitude.

Et, toute pâle et frémissante, elle cria par trois fois, de sa vois pleine et accentuée, dans le sourd et morne édifice le nom de Vincenza.

Au troisième appel, un léger frémissement se fit entendre, et nous nous élançâmes vers les décombres d’où le son était parti.

Nous trouvâmes, dans le fond de la partie écroulée, la malheureuse femme assise et idiote. Ses vêtements déchirés, ses cheveux épars collés à son front par le sang coagulé sur son visage, la rendaient méconnaissable et si effrayante, que Daniella, superstitieuse, recula en disant :

— C’est la véritable befana !

La victime était hors d’état de nous répondre. Elle essaya de se lever et retomba. Je l’emportai dans le casino, où nos soins lui rendirent la raison, mais non la force. Elle avait perdu tant de sang, qu’elle était épuisée. Elle avait reçu à la tête un seul coup d’un assommoir quelconque. Elle n’avait rien vu. Elle avait une large blessure près de la tempe, mais elle ne la sentait pas, et demandait seulement si elle avait