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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/300

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quelque chose au visage. Elle parut soulagée dès qu’elle sut qu’elle n’était pas défigurée.

Le sang était arrêté ; les os du crâne ne me parurent point lésés, il était évident que Felipone avait voulu tuer, qu’il croyait avoir tué, mais que sa main avait manqué de force et qu’il n’avait pas eu le courage de porter un second coup. Cet homme si adroit et si fort n’avait pas pu tuer la femme qu’il aimait. La Vincenza se rappelait avoir lutté, avant d’être emmenée jusqu’au réservoir, où elle pensait qu’il avait voulu la noyer. Puis elle était tombée sous un choc violent et n’avait eu conscience de rien, jusqu’au moment où elle nous avait entendus parler, Daniella et moi, dans la befana. Elle n’avait pas reconnu nos voix ; elle ne se rendait encore compte de rien en ce moment-là. Mais, en s’entendant appeler par son nom, et par une voix qui, disait elle, en lui avait pas fait peur, elle était venue à bout, par un effort machinal, de nous répondre.

Elle pensait avoir été poussée dans le réservoir après le coup qui lui avait ôté la connaissance, et elle ne se trompait probablement pas, car ses vêtements fripés paraissaient avoir été mouillés jusqu’à la ceinture. Mais elle avait dû revenir à elle, étant seule, et se traîner jusqu’à la place où nous l’avions retrouvée. Ç’avait été un effort tout instinctif, sa mémoire ne pouvait ressaisir ce fait.

Elle ne put même nous donner ces vagues détails qu’après quelques heures de repos. Daniella eut beaucoup de peine à la réchauffer, et passa le reste de la nuit à la soigner. J’avais de mon mieux pansé et fermé la blessure avec le collodion et la toile adhésive qu’à mon départ du presbytère l’abbé Valreg, grand remègeur en sa paroisse, avait fourrés dans ma malle, en cas d’accident. Je lui ai vu faire tant de pansements charitables, où je l’aidais naturellement, que je n’y suis pas trop maladroit.