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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/302

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Peut-être que si j’eusse osé lui dire : « Elle vit, elle là tout près de toi ! » Je lui eusse rendu à lui-même la vie et le repos. Mais Daniella m’a appris, par la justesse de sa divination, à ne pas me fier aux apparences. Peut-être l’expression de désespoir et de remords que je croyais lire sur la figure de ce malheureux n’était-elle que la satisfaction morne et sombre d’une vengeance assouvie.

5 juillet.

Il était temps que l’on vint nous délivrer de la présence de Cette Vincenza. Elle me devenait insupportable. Sans cœur et sans raison, cette créature ne songeait qu’à recommencer une vie de désordre. C’est une sensualité stupide qui la gouverne. Elle n’a d’autre cupidité que le goût de la toilette, et sur son lit, ayant à peine la force de parler, elle s’enquérait du bijou étrusque de Brumières, et reprochait à Daniella d’avoir refusé de le recevoir pour elle ; du reste, prodigue, imprévoyante, ne se demandant jamais si elle aura du pain, mais bien une robe de soie et des fichus brodés. Ses habitudes de galanterie l’ont sollicitée avant même que ses forces physiques fussent revenues ; car, en remercîment de mes secours et de mes soins, elle m’a offert ses bonnes grâces avec un cynisme imbécile, C’est dans sa pensée, vous en conviendrez, une étrange manière de récompenser Daniella de son dévouement.

Sa société nous était de plus en plus répulsive. Elle troublait et souillait l’harmonie poétique de notre existence par son caquet puéril et le dévergondage de son étroite imagination. La seule chose qu’il y ait à louer en elle, c’est une grande douceur ; mais il n’en faut chercher la cause que dans un manque d’énergie et dans l’absence de toute fierté.