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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/303

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Elle reçoit en riant les plus dures leçons, et son mari ne lui inspire que de la peur, sans aucune réaction de vengeance.

— Pauvre homme, dit-elle en parlant de lui, je suis sûre qu’il est bien fâché de ce qu’il a fait. Pourvu qu’il ne lui en arrive pas malheur ! Si je voulais, il me reprendrait et me demanderait pardon à genoux.

Mais quand on lui conseille d’essayer une réconciliation, elle répond qu’elle s’y fierait bien, mais qu’il n’est pas agréable de vivre avec un homme devenu si jaloux. En un mot, elle trouve moyen de dire des choses risibles en riant elle-même. L’horreur de sa situation dans la befana et de la mort, par la faim, qui l’y attendait si nous ne l’eussions sauvée, ne lui a pas même laissé de terreur. Elle écarte ces souvenirs avec une merveilleuse facilité, en disant qu’il ne faut pas penser aux choses tristes, et prouvant qu’il est des natures douées de l’heureuse impossibilité de souffrir, ce qui les assimile à certains animaux à moitié inertes, qui remplissent aveuglément les fonctions de la vie dans les bas-fonds de la création. Daniella a eu la grand sens de n’être pas jalouse en voyant les provocations, à peine voilées, qu’elle m’adressait.

— Je ne me sens pas d’indignation contre elle, m’a-t-elle dit ; je vois qu’elle n’a pas conscience d’elle-même. Elle a l’innocence des bêtes. Il faut que Felipone ait senti cela, puisqu’il l’a assommée avec aussi peu de remords qu’il eût fait d’un de ses animaux.

Et pourtant Felipone a des remords et un incurable chagrin. J’ai appris à lire sur sa figure le démenti secret que la passion donne à son tempérament pléthorique.

La Vincenza commençant à pouvoir marcher, nous nous demandions comment nous la ferions évader secrètement, lorsque, par une nuit d’orage effroyable, nous entendîmes sonner à la porte de la grande cour. Une visite à pareille heure et par un temps pareil ne fut pas accueillie sans pré-